Les bouchons n’ont (presque) plus de goût

Pour lutter contre le fameux goût de bouchon, ennemi redouté du vin, l’industrie a investi dans la recherche. Résultat : le liège tant décrié regagne du terrain.

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La phrase la plus entendue quand vous discutez avec des professionnels du liège ? « Robert Parker avait prédit sa mort, il s’est trompé ! » Le célèbre critique de vins américains avait en effet annoncé en 2004 que les vins avec des bouchons en liège « seront minoritaires d’ici à 2015 ». Dans son magazine, le Robert Parker Wine Advocate, il expliquait : « L’industrie du liège n’a pas investi dans des techniques permettant d’éviter les vins bouchonnés, avec une odeur de moisi et de sous-sol humide qui ruine jusqu’à 15 % de toutes les bouteilles de vin»

Face au liège, il y a le bouchon en plastique et la capsule à vis en aluminium. Le premier, qui se détériore au bout d’un an ou deux, est prisé pour les vins très peu chers. La seconde n’a pas le charme du bouchon, et du rituel qui consiste à le retirer, mais sa fiabilité dans le temps a séduit l’Australie, la Nouvelle-Zélande et l’Autriche et traversé les frontières.

Pourtant, aujourd’hui, 70 % des vins dans le monde, dont les meilleurs, sont encore bouchés liège – en France notamment. Mieux, cette matière a regagné du terrain. La Fédération française du liège (FFL) se réjouit des résultats d’une étude Nielsen effectuée début 2018 : 100 % des vins rouges vendus à plus de 8 € en supermarché sont bouchés avec cette écorce élastique. « Le liège se porte super bien pour un moribond », se réjouit Jean-Marie Aracil, chargé de communication de la FFL.

Utilisé depuis l’Egypte antique pour conserver le vin, le bouchon de liège s’est plus modernisé en vingt ans qu’en deux mille. Au départ, un morceau de bois de chêne-liège taillé. C’est tout simple, et efficace pour permettre au vin de vieillir doucement mais sûrement. Mais tous ne se valent pas. Leur prix oscille, selon la fabrication et la qualité, entre 3 centimes et 2 euros. Les meilleurs protègent un vin pendant plus d’un demi-siècle, les autres… sont très variables. […]

Chaque bouchon est analysé

La victoire contre le TCA, ou trichloroanisole, la molécule qui donne le désagréable goût de bouchon, est réelle. Elle a été officiellement proclamée en 2016 par le mastodonte de la profession, Amorim, groupe portugais qui produit 5,4 milliards de bouchons par an (une bouteille de vin sur quatre dans le monde). L’entreprise a mis au point un procédé, NDTech, qui analyse individuellement chaque bouchon et les garantit exempts de TCA. D’un coût de 10 millions d’euros, ce processus n’est pas encore proposé sur tous les bouchons mais il gagne du terrain. Le président du groupe, Antonio Amorim, ne cache pas sa fierté : « Ce procédé allie performance et absence de défaut. C’est l’aboutissement de nos plus gros investissements, cinq ans de travail difficile. Et c’est un succès : le marché est très friand de cette fiabilité. » […]

Un autre enjeu, moins connu, mais primordial pour les amateurs de vieux flacons, est la régularité de l’évolution du vin dans le temps. Car deux bouteilles d’un même vin et d’un même millésime vieillissent parfois de manière très différente. C’est autour de cette préoccupation qu’a émergé un nouvel acteur, qui connaît un succès encore modeste mais fulgurant. […] « Il n’y a jamais de grande année mais des grandes bouteilles. La différence ? Le bouchon. » Dominique Tourneix, directeur général de Diam […]

Microgranulés de liège

Diam est pourtant perçu comme un bouchonnier à part. Surtout par les autres. Car ses bouchons sont très différents des autres : reconstitués à partir de microgranulés de liège et d’une colle de polyuréthane. « Nous sommes à la limite de la définition du liège », élude la Fédération du liège, dont Diam ne fait pas partie, car personne n’a accepté de coopter la société. « Nous sommes des empêcheurs de tourner en rond, s’amuse Dominique Tourneix. Nos bouchons issus de la recherche sont plus fiables que des bouchons entiers, tubés dans la masse. »

En fait, le bouchon en granulés agglomérés est déjà très répandu dans le monde du vin. Tous les bouchonniers en fabriquent. Mais il est surtout utilisé pour les bouteilles d’entrée et de milieu de gamme, avec une durée de vie moyenne. Alors que Diam vise le haut de gamme : « Nos clients sont des vignerons indépendants, des maisons de bonne notoriété, en France mais aussi à l’étranger, qui représente 78 % des ventes », dit le directeur de Diam […].

« L’avantage du bouchon reconstitué, reprend Dominique Tourneix, est que le liège est présent de manière régulière, sans faille invisible à l’intérieur. Et comme on maîtrise la taille des granulés, on maîtrise aussi le passage de l’oxygène dans le vin. Le vin conserve donc ses qualités sur de longues années. » […]

Reste un défi, pour tous les fabricants de liège : le recyclage. Il ne capte que 10 % de la production. La collecte d’un bouchon léger mais volumineux est délicate, au point qu’elle peut être plus polluante que l’absence de recyclage. Pas sûr que ce combat soit aussi âprement mené que les autres.

Article complet : https://www.lemonde.fr/m-gastronomie/article/2018/12/17/les-bouchons-n-ont-presque-plus-de-gout_5398971_4497540.html

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