Déguster est assurément une expérience mentale. Car l’odeur est une construction du cerveau : c’est lui qui traite les informations sensorielles envoyées par tous les sens mobilisés (vue, odorat, goût…).
Bleu, rouge, jaune… globalement, tout le monde voit les mêmes couleurs. Rien de tel avec le vin! Avec lui, tous les goûts sont vraiment dans la nature, c’est chacun le sien. Et cela concerne aussi les professionnels! En 1998, dans le cadre d’un test, on avait demandé à des sommeliers réputés de classer dix-huit vins dont ils ignoraient l’origine. Verdict : on obtenait presque autant de classements que de sommeliers. Plus éloquent : un vin classé au top par l’un pouvait être bon dernier chez un autre.
Pourtant, le cru qui remplit deux verres est composé des mêmes molécules. Et le circuit perceptif est le même pour tous. Lorsque nous sentons ou goûtons un vin, ses molécules se fixent sur les récepteurs qui tapissant nos muqueuses, ce qui déclenche un signal électrique, lequel est ensuite transmis au cerveau. Oui, mais vous et moi ne disposons pas des mêmes récepteurs! […]
C’est-à-dire qu’il n’existe pas deux personnes identiques sur le plan de l’olfaction.
Conséquence : certains ne discernent pas la violette dans le vin, quand d’autres ont la chance de ne pas déceler le goût de bouchon. Et cela vaut aussi pour les experts, qui ne sont pas forcément mieux équipés biologiquement. En revanche, ils ont éduqué leur nez afin d’affiner leur seuil de détection. […]
Mais la biologie ne fait pas toute la différence des goûts. Il faut en effet savoir que lorsque le signal sensoriel est transmis au cerveau, il est remodelé à l’aune des informations qui proviennent non seulement des autres sens (vue, ouïe, toucher), mais également du contexte (l’ambiance), de notre mémoire, de notre humeur du moment, de notre fatigue, etc.
En bref, l’odeur n’existe pas en tant que telle car elle est une création du cerveau. Ce dont ont apporté la preuve les chercheurs en neurosciences Frédéric Brochet et Gil Morrot. Ainsi, leur analyse des commentaires de dégustation de professionnels a révélé que ceux-ci décrivent un vin en fonction de sa couleur. En général, un vin rouge délivre des arômes de cassis ou de framboise, quand le miel ou la noisette sont associés à un blanc. Un biais visuel qui a donné aux deux scientifiques l’idée d’un test : ils ont demandé à 57 étudiants en œnologie de décrire un vin blanc et un vin rouge à partir d’une liste de mots. Sans surprise, les mots utilisés se rapportaient presque tous à des objets ayant la couleur du vin. Sauf que le rouge était en fait le vin blanc, mais coloré avec des anthocyanes (des pigments bleus) sans saveur ni odeur. Or, à ces vins olfactivement non discernables, les étudiants avaient attribué des odeurs très différentes!
La subjectivité se révèle aussi à travers le contexte. Lors d’un autre test où il s’agissait de goûter un vin prestigieux présenté d’abord dans sa bouteille de grand cru classé, puis dans une bouteille étiquetée « vin de table », l’immense majorité des étudiants a noté plus sévèrement le supposé vin de table (moyenne de 8 sur 20) que le grand cru (moyenne de 13,2 sur 20). Le cerveau, croyant avoir affaire à un meilleur vin, en modifie donc le goût. […]
Article complet dans Science & Vie QR n°26 « Le guide du vin » :
https://www.science-et-vie.com/questions-reponses/pourquoi-trouve-t-on-un-vin-bon-ou-mauvais-45855
Article vraiment très intéressant et édifiant car il n’y a pas que pour le vin que la couleur joue un rôle déterminant sur notre psychisme mais là c’est vraiment étonnant, encore merci.
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