Mardi 9 avril 2024 : séance de dégustation dédiée aux vins du domaine Alsacien M. Deiss.

Nous voilà de retour sur les terres Alsaciennes (la dernière en date en janvier 2020 voyait s’opposer le domaine Hügel au domaine Josmeyer). L’objectif du jour est de découvrir le très renommé domaine Marcel Deiss (Situé à Bergheim à côté de Ribeauvillé) et en particulier de s’initier à la viticulture de terroir développée par celui-ci en opposition aux vins de cépages typique de cette région.

Un petit point de présentation est nécessaire pour mieux comprendre la philosophie du domaine (« valorisant une production qualitative avec des rendements très bas, assise sur le terroir plutôt que sur le cépage cloné »). En effet, la technique de la « complantation » est reine ici et permet au terroir de dominer les cépages et d’imposer son goût.

Pour rappel, la complantation est l’art de mélanger les cépages sur un même terroir et correspond à la plus ancienne forme de viticulture connue avant l’apparition des clones. Ainsi, en omettant délibérément l’information variétale sur les étiquettes ou les proportions, Deiss permet aux dégustateurs d’aller principalement à la reconnaissance des caractères du terroir. Ce soir, nous avons la chance de déguster 6 flacons différents où l’expressions des terroirs passera parfois par des assemblages des 13 cépages Alsaciens.

Nous débutons par le Zellenberg 2019. Ce vin « villages » provient des parcelles complantées de Zellenberg, perchées à 290 m d’altitude sur un substrat de Marnes et de calcaires. On retrouve ici un assemblage de riesling, d’auxerrois et de pinots assez élégant dans l’ensemble, marqué par un nez empyreumatique et une bouche de miel et de fruits à coque. Certain noterons une légère amertume en finale et une sensation presque picotante (perlant et trame tendue).

Après cette jolie entrée en matière, nous poursuivons par 2 vins que nous pourrions trouver dans quelques temps en 1er cru (en cours de hiérarchisation ?).

Le premier, l’Engelgarten 2018, est issu de l’un des terroirs les plus connus de Bergheim. Sa structure graveleuse et son déficit hydrique marqué, permettent d’obtenir de grandes maturités physiologiques des raisins. La vigne souffre et produit de petites récoltes complexes. On retrouve sur ce vin un assemblage de riesling, de pinot gris et noir et de muscat. Le nez est ici dominé par des notes de pétrole (complantation avec dominance de riesling). En bouche, c’est très élégant, un joli gras bien équilibré de pêche et de caillou mouillé. Une belle longueur à noter également.

Le second, le Burg 2015, est issu d’un terroir tardif et humide, exposé plein sud, et protégé en retrait de la vallée. Celui-ci est réputé pour façonner de grands vins puissants, complexes, structurés et de longue garde. En complément de ce terroir, une complantation des 13 cépages traditionnels permet de proposer un nez d’encaustique (d’évolution au global, il a 10 ans quand même !!). En bouche, on retrouve de la cire contrebalancée par des notes de fruits exotiques et une finale de pamplemousse (caractérisée par une petite amertume qui assèche). Un très bel équilibre enfin et une longueur toujours notable.

Nous prenons à présent le chemin des grands crus.

Le premier est l’Altenberg de Bergheim 2019. Au cœur du champ de failles de Ribeauvillé (superposition de calcaires et de marnes), le terroir est très caillouteux, peu profond et riche en fossiles. L’exposition plein sud, l’éloignement du front vosgien et la forte pente s’inclinant jusqu’au ruisseau, favorisent un microclimat chaud, tempéré et régulier. Nous retrouvons sur ce vin de nouveau une complantation des 13 cépages. Le nez s’exprime bien sur des notes de brioche et de pain grillé. La bouche est ample, délivrant des notes de litchi, de fumé… L’ensemble est complexe et la finale est bien longue. Certain noteront une trame très moelleuse (peut-être un peu trop ?) mais une élégance folle au global ! Un grand vin de garde (potentiel autour de 20 à 30 ans) qui pourra être apprécié lors des grandes soirées de fin d’année par exemple…

Le deuxième est le Mambourg 2017. Exposé plein sud à flanc de colline, le Mambourg domine Sigolsheim et profite d’une durée d’ensoleillement optimale. Les rendements qui ne sont jamais élevés, privilégient la qualité. A noter que le millésime, particulièrement marqué par les fortes gelées d’avril et les pertes très importantes, a contribué davantage à ces petits rendements. Le nez ici reste discret, sur les agrumes et les fleurs blanches. La bouche est droite et asséchante, la tension est bien au RDV. C’est ciselé et complexe à la fois et la longueur en bouche est encore extraordinaire.

Enfin, le dernier est le Schoenenbourg 2014.  Au nord de Riquewihr, les vignes courent sur le flanc sud entre 250 et 350 m d’altitude, en pente assez forte. Le terroir s’exprime par une minéralité particulière, sensible à travers des notes de fumé, d’allumette et de pierre à fusil. Nous retrouvons une nouvelle fois ici une complantation de tous les cépages Alsaciens (des vieux riesling en majorité dont de vieilles souches oubliées). A l’approche du nez, le verre envoi de l’évolution, de l’encaustique et un subtil pétrole. Une pointe d’amertume et une belle tension (sans excès) apporte de l’équilibre et allège le touché de bouche. C’est complexe, ample et d’une longueur sans fin !! Ce vin est réputé pour être le plus grand vin de garde Alsacien, nécessitant d’attendre au moins 10 ans avant de le déguster et ayant un potentiel de garde de 30 à 50 ans.

Nous voilà donc à la fin de cette séance Alsacienne, très spéciale et déroutante. Nos repères sont brouillés mais nos impressions de dégustations ne nous trompent pas, nous avons été face à de très belles bouteilles, l’expérience est validée ! Nous avons découvert ici le principe de complantation et les logiques d’expression de terroir que nous ne connaissions pas pour cette région.

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